«Sans le Marché couvert, les prix seraient fixés par la grande distribution»

Ciney est une mécanique bien huilée. Le décor, pour l’œil qui n’y est pas est habitué, est impressionnant. Dans les rangées séparées par de simples barres de métal, aujourd’hui, ce sont près de 2.200 bovins qui sont alignés. Autour du bétail, les éleveurs, les marchands – rarement des femmes –, portant bottes et salopettes ou tabliers, avec à la main ces cannes jaunes vendues à l’entrée. Certains voient dans ce tableau une part du patrimoine immatériel de la Wallonie. Très typique en tout cas. Dans les allées se trouvent aussi ceux qui exercent un métier méconnu du grand public : les chevilleurs, des grossistes habilités à abattre du bétail.

Jouxtant le grand hall, les deux buvettes sont bondées. On y entend autant parler flamand que français. Les Flamands viennent vendre, mais sont surtout connus pour venir acheter des jeunes animaux qu’ils vont engraisser chez eux : les plus grands abattoirs de Belgique sont dans le nord du pays.

« Un outil vital »

Joseph Jouant connaît l’endroit comme sa poche. Agriculteur du coin, il a aussi fait partie de la structure du Marché couvert de Ciney. « Cela fait 25 ans que j’y suis », sourit-il. Et pour lui, ce marché ne peut disparaître. « Ce que cela représente pour le secteur de l’élevage ? Un outil vital, tout simplement, et pas seulement pour la Wallonie parce qu’il y a aussi beaucoup de Flamands ici. Vous savez, dans la filière bovine, c’est ici que se fixent les prix du marché belge. Le jour où ce lieu n’existera plus, les prix seront alors décidés par la grande distribution et les chevilleurs. C’est cette infrastructure, et tout son fonctionnement autour, qui permet aux éleveurs de vendre leurs bêtes à un montant acceptable. Déjà comme ça, atteindre la rentabilité, c’est compliqué. Mais sans ça, on verra alors, ce qui se voit de temps en temps, des chevilleurs venir directement dans les fermes. Eux, ils arrivent avec un prix. Et même, quand la bête est pendue, ils peuvent encore dire qu’elle ne leur plaît pas. L’agriculteur peut discuter avec un marchand, faire valoir des arguments. Avec un chevilleur, plus rien n’est négociable ».

« On ne peut tout contrôler à chaque poste »

Le Marché couvert est perçu comme une infrastructure de prime importance par les éleveurs. « Et aussi comme un endroit où les normes sont strictes », défend Anne Pirson, échevine de l’Agriculture à la Ville de Ciney et membre du conseil d’administration de l’ASBL qui exploite le site. « Un éleveur qui n’a pas mis de boucles de marquage aux oreilles de ses bêtes sait très bien que ce n’est même pas la peine de tenter de venir ici. Maintenant, un animal peut perdre une marque, c’est bien pour cela que les producteurs doivent en mettre aux deux oreilles. Pour les éleveurs, ce qui se passe est frustrant. Ils se disent qu’on leur demande déjà beaucoup, la Belgique n’a certainement pas à rougir, par rapport aux voisins, des critères de qualité imposés. Mais c’est sans plus-value sur les prix. Ici, des contrôles sont organisés sur les boucles de marquage, les cartes sanitaires, les véhicules, le lavage des camions. Mais on ne peut contrôler tous les animaux à chaque poste ». Si tout va être mis en œuvre pour rencontrer les exigences de l’Afsca d’ici la fin avril ? « Bien sûr que oui, de toute façon, ce n’est même pas un choix ».

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